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Les rapports de forces mondiaux : forces, faiblesses et place de l'altermondialisme

L'approche de l'altermondialisme peut se faire selon deux voies principales :

 

1. dans le but de faire l'histoire, on part du présent et on prépare l'avenir ; l'histoire du passé sert à mieux comprendre les questions qui se posent ;

2. l'altermondialisme est abordé sous l'angle des mouvements sociaux.

Si nous partons de la crise de 2008, trois questions peuvent être soulevées :

v      à partir de 2008, il importe de clarifier la façon de définir le système de fonctionnement mondial ;

v      à partir de 2011, les nouveaux mouvements sociaux prennent une forte ampleur dans différents pays : Tunis, Espagne, Grèce, Japon, Chili, Canada (Québec), Turquie (Istanbul) ;

v      à partir de 2013, une offensive conservatrice et populiste se déploie dans le monde.

Globalement, tout le monde peut s'exprimer, qu'il soit ou non d'accord avec les thèmes discutés ou les propositions émises, ou quelle que soit sa représentation de la réalité : dominants - dominés, gauche - droite ou autre. Mais, pour être écouté et faciliter la poursuite du dialogue, il incombe à chacun de définir ses propositions.

En 2008, le système dominant est en crise et cela devient évident à partir de la crise financière. Une des raisons majeures de cette crise est l'endettement des pauvres, ce que l'on appelle les "Subprimes " aux États-Unis, opération qui a consisté à laisser les pauvres s'endetter en leur faisant miroiter l'augmentation de valeur du logement pour lequel ils s'endettaient. Comme cela n'a pas été le cas, ils ont globalement perdu leur logement, repris par les prêteurs de finance, tout en conservant leur endettement, qu'ils n'étaient pas en mesure de rembourser.

Par ailleurs, la reprise de nombre de prêts dans des bulles financières sur les marchés financiers a accompagné un effondrement des prix du logement. D'où l'ampleur de la crise, étant donné la lourdeur globale de cet endettement et la faillite de Lehman Brothers, d'autres banques étant assistées pour éviter qu'elles ne sombrent à leur tour, ce qui s'exprime par le passage des dettes des pauvres aux dettes privées des banques, puis aux dettes publiques des États, d'où vont se renforcer des programmes d'ajustement structurel (plans d'austérité). C'est d'ailleurs en réaction à cette logique générale de "nos intérêts avant tout", défendue par les grandes entreprises mondiales et les États, qu'a été proposée, en 1972 et 1977, dans la ligne des idées de J. M. Keynes de 1936, la taxe dite Tobin (du nom du prix Nobel d'économie, James Tobin) sur les transactions monétaires devenues financières, puis qu'a été créée l'association ATTAC, 20 ans après, en 1998, en s’appuyant sur les idées de Tobin. On ne peut que rapprocher cette vision de la finance de la répartition de la richesse mondiale, 1% de la population disposant de près de 50% de la richesse et 99% du reste (source OXFAM).

Face à cette situation, émergent quatre grandes contradictions :

v      1. économiques et sociales : le monde est de plus en plus riche, mais les inégalités de plus en plus grandes, ce qui entraîne des luttes anti-discrimination ;

v      2. géopolitiques : on est parti de 2 superpuissances (États-Unis et URSS), puis on a assisté à la crise du Japon et de l'Europe, et à l'émergence de nouvelles puissances (Chine, Inde...), ce qui a remis en cause le système mondial Nord-Sud. Ce système est actuellement fortement dépendant des économies émergentes et particulièrement de l'économie chinoise ;

v      3. démocratiques et culturelles, avec la montée en puissance de l'idéologie sécuritaire qui, outre la sécurité, concerne aussi l'emploi, le logement, etc., et les poussées xénophobes et racistes ;

v      4. écologiques, ce qui est une nouveauté, le système mondial étant maintenant en contradiction avec l'écosystème planétaire ;

De toutes ces contradictions, on ne va pas sortir par plus de croissance et plus d'investissement, mais par des progrès dans diverses directions. Ainsi le Forum social mondial (FSM) de Belem en 2009, le 1er s'étant tenu à Porto Alegre (Brésil) en 2001, a vu l'émergence de mouvements nouveaux qui avaient pris de la puissance pour se faire entendre face à ce déséquilibre mondial : les femmes, les mouvements paysans, les mouvements écologiques ou encore ceux des peuples autochtones ou indigènes. À ce Forum ont aussi émergé d'autres concepts de crise, avec la nature, la civilisation... Cette émergence de nouveaux acteurs décidés à s'impliquer peut être considérée comme une ouverture puissante.

Globalement, pour l'avenir, 3 conceptions s'affrontent : 1) le renforcement du néolibéralisme par la financiarisation de la nature, 2) un capitalisme réaménagé, le Green New Deal, s'appuyant sur une régulation publique et une modernisation sociale, et 3) une rupture permettant une transition écologique, sociale et démocratique[1].

En 2011, le ton change et les différents mouvements se focalisent sur la remise en cause de la corruption, notamment dans les domaines de l'eau et des armes. Le principal problème relève de la corruption politique et de la fusion entre classes financières et classes politiques. La classe financière a été capable de subordonner les États et notamment la politique fiscale. Les mots clés sont le dumping social, environnemental et financier. De nombreux échanges interviennent alors s'appuyant sur des questions de la salle ou des exemples cités. Ont notamment été évoqués les agriculteurs céréaliers, les intermittents du spectacle, la démondialisation (au niveau local et des États), la Fondation Google, l'historique de Ford, le New Deal américain, etc. Au final émerge un refus de la mondialisation telle qu'elle fonctionne et l'insistance sur l'émergence de 3 types de mouvements : ceux qui ont créé l'altermondialisme, les nouveaux mouvements "modernes", et ceux qui sont issus des cités et des quartiers populaires.

L'année 2013 marque l'arrivée des mouvements réactionnaires, conservateurs et populistes. Selon la citation d'Antonio Gramsci (1891-1937) : " le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair obscur surgissent les monstres ". Se pose alors la question de comment lutter pour le nouveau monde et contre les monstres. Le défi principal est la capacité de penser en termes de stratégie et de répondre aux urgences, tout en poursuivant un projet alternatif de transformation de la société. La stratégie altermondialiste vise à contrôler les banques et à taxer la finance, mais l'urgence est de trouver les moyens de l'imposer. La transition sociale, écologique et démocratique doit commencer tout de suite, ce qui implique de nouvelles manières de penser et l'égalité des droits, notamment des droits fondamentaux, base de nouvelles solutions.

Par rapport à un questionnement sur la priorité des actions locales, G. Massiah a clairement répondu qu'il fallait aborder conjointement les échelles locale et mondiale, car si la première pouvait servir d'alternative concrète, il était essentiel d'aboutir sur la seconde, qui conditionnait la solution des grands problèmes mondiaux.

 

 

 

 

[1] Voir l'article de G. Massiah pour le Monde Diplomatique de janvier 2016, Brésil (revu en mars 2016) : " Stratégies des mouvements et projets d'émancipation", ainsi que son ouvrage "Une stratégie altermondialiste", La Découverte, 2011, 323 p.

Vendredi, 29 Avril, 2016